

Le 30 mars 2021
Le Très Honorable Justin Trudeau
Premier ministre du Canada
Édifice Langevin
Ottawa (Ontario) K1A 042
Monsieur le Premier Ministre,
Le 24 juillet 2020, les Chefs de Pessamit et de Wemotaci vous adressaient une correspondance soulignant qu’une partie substantielle de la richesse collective au Québec continuait d’être acquise à leur détriment ainsi qu’à celui des Anishnabek. Les chefs faisaient alors directement référence au caractère immoral et inconstitutionnel des développements hydroélectriques successifs et massifs d’Hydro-Québec sur leurs territoires traditionnels.
La lettre du 24 juillet 2020 faisait aussi état que les tentatives répétées, pendant des décennies, pour résoudre ces injustices historiques, s’étaient systématiquement butées à une fin de non-recevoir de la part d’Hydro-Québec et du gouvernement du Québec. La lettre précisait qu’il était manifeste que les démarches non coordonnées des Premières Nations pour obtenir justice avaient conforté le gouvernement du Québec et Hydro-Québec dans leur position historique de déni. Dans ce contexte, trois autres Premières Nations ont convenu, à l’été 2020, de joindre leurs voix à celles des Premières Nations Innue de Pessamit et Atikamekw de Wemotaci. Il s’agit des Premières Nations Anishnabek de Pikogan, de Lac Simon et de Kitcisakik qui ont aussi été historiquement soumises contre leur gré aux diktats d’Hydro-Québec et de la Couronne provinciale.
La correspondance du 24 juillet dernier affirmait l’intention de nos Premières Nations de ne pas laisser Hydro-Québec tirer profit de notre patrimoine ancestral sans prendre part ouvertement au débat qui a cours aux États-Unis concernant l’exportation d’électricité. Nous avons en conséquence amorcé, en août 2020, une démarche publique afin de mettre en lumière l’illégitimité morale et constitutionnelle de la vente d’électricité provenant de 33 des 63 ouvrages de production d’Hydro-Québec. En effet, 13 179 MW, soit 36% de la puissance installée au Québec, a été usurpée à nos Premières Nations. Suite à nos démarches, il est maintenant de notoriété publique en Nouvelle-Angleterre et dans l’État de New York que nos Premières Nations ont été dépouillées du rapport fondamental avec le territoire, que nos membres ont été refoulés dans les limites exiguës des réserves et ainsi poussés au désœuvrement dans le cadre d’une action étatique concertée, laquelle a toujours de graves répercussions sur l’équilibre socioéconomique de nos communautés.
Après un siècle de déni du gouvernement du Québec et d’apathie du gouvernement du Canada, nous continuerons, tant et aussi longtemps qu’il le faudra, de faire la démonstration aux États-Unis que les droits humains de nos membres sont bafoués par la perpétuation de politiques de racisme systémique à notre égard. Dans ce contexte, nous adressons en date de ce jour une correspondance à la Maison Blanche. Nous demandons expressément à l’administration Biden de prendre en compte nos droits dans le cadre de l’émission du permis présidentiel pour la construction de la ligne de transport New England Clean Energy Connect (NECEC) qui doit acheminer au Massachusetts via le Maine l’électricité produite sur nos territoires traditionnels. Cette démarche auprès de la plus haute autorité politique américaine nous est dictée par le fait que le gouvernement du Québec n’est toujours pas disposé à répondre à nos demandes légitimes et répétées pour solutionner les injustices historiques commises à notre endroit et ce, au détriment du principe de I’Honneur de la Couronne. De façon plus spécifique, nous demandons à l’administration du Président Biden de prendre en considération les sections 101 et 102(2)(F) du National Environmental Policy Act (NEPA) en fonction de l’historique législatif de la NEPA selon lequel les agences gouvernementales doivent tenir compte de l’impact environnemental d’un projet sur d’autres pays.
Dans le cadre de l’approbation de ce projet au Canada, connu sous le nom de Ligne d’Interconnexion des Appalaches-Maine, nous avons récemment déposé des documents étoffés auprès de la Régie de l’énergie du Canada afin de faire valoir nos droits. Nous sommes dans l’attente de développements de la part de la Régie.
Nous espérons vivement qu’il vous sera possible de donner suite à notre lettre et de faire en sorte que nos droits puissent être respectés en vertu de l’Acte constitutionnel de 1982, de la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones et de l’adoption imminente par le Parlement du Canada du projet de loi C-15 concernant l’enchâssement des principes de la Déclaration des Nations Unies dans l’ensemble de la législation canadienne.
Dans l’attente de vos nouvelles, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre considération la plus respectueuse.
Le Chef de Pessamit,
Jean-Marie Vollant
Le Chef de Kitcisakik,
Régis Penosway
Le Chef de Wemotaci,
François Néashit
La Cheffe de Lac Simon,
Adrienne Jérôme
La Cheffe de Pikogan,
Monik Kistabish
Pour voir la lettre en format pdf : Lettre au Premier Ministre Trudeau